Et je ris maman. Je ris, je ris, je ris …

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Il y a quelques semaines j’ai fait un rêve absolument bouleversant. Ma plus jeune fille mourrait et passait « de l’autre côté ». Là, depuis « sa chambre », entourée de nombreuses  personnes lumineuses et bienveillantes, elle pouvait m’envoyer un mail dans lequel elle me rassurait et qu’elle terminait par cette phrase : « Et je ris maman, je ris, je ris, je ris … »

Je me suis réveillée en sursaut, le cœur battant la chamade et avec une seule idée en tête, vérifier que ma fille allait bien. J’ai appelé mon assistante pour qu’elle aille la voir et me rassurer. Mon petit ange dormait à poings fermés. Alors j’ai éclaté en sanglots. C’était plus fort que moi. Un chagrin. Un chagrin de petite fille. Immense comme un océan. Et moi j’ai peur des océans car on ne voit pas le fond et ce qui s’y cache. Ça a duré longtemps cette nuit là et ça m’a poursuivi plusieurs heures, plusieurs jours. J’entendais cette phrase résonner dans ma tête. Je voyais cette gamine partout.

Bien évidemment j’ai compris que ce rêve n’avait rien de prémonitoire. Cette fillette incarnée par ma petite zoupette avait bel et bien un message à me délivrer mais pas au premier degré. Il me restait à l’interpréter. J’en vois certains sourirent. Et oui comme pour l’incidence de la lune sur nous, je crois fermement que certains rêves sont à prendre en considération, surtout lorsqu’ils nous remuent autant. Alors cette petite fille rieuse que pouvait-elle bien vouloir me dire ?

Pour moi plusieurs choses sont importantes : la chambre, l’autre côté, le message, ma fille, le rire, les personnes autour. Il y a également de la lumière. Finalement beaucoup de positif.

L’autre côté d’abord. Je crois qu’il peut-être compris de deux façons :

– la première comme l’autre côté de moi, celle que j’étais avant d’être paralysée, l’Amélie valide. Dans mon esprit l’avant et l’après mon accident sont bien marqués. Je parle souvent de mes deux vies, parce que l’une n’a rien à voir avec l’autre même si j’en suis toujours l’héroïne. C’est le même film, ce sont les mêmes acteurs mais le scénario a changé. C’était trop facile apparement alors comme pour une course de chevaux on m’a donné un handicap. Le mot handicap vient d’ailleurs d’un terme anglais «hand in cap», qui signifie littéralement « main dans le chapeau ». Cette expression provient d’un jeu d’échanges d’objets qui se pratiquait en Grande Bretagne au 16ème siècle. Un arbitre évaluait les objets et s’assurait de l’équivalence des lots afin d’assurer l’égalité des chances des joueurs. Le handicap traduisait la situation négative, défavorable, de celui qui avait tiré un mauvais lot.

– la seconde comme un autre côté à atteindre, un cap à passer. Ce qui me semble tout à fait possible vu le bourbier psychologique dans lequel je me trouve. Peut-être accepter quelque chose. Mon (mes) handicaps ? Ma nouvelle vie de maman solo ? Un changement nécessaire qui s’impose à moi et que je m’obstine à refuser ? En tout cas c’est une piste à ne pas négliger et peut-être celle qui me parle le plus.

La chambre ensuite. Claire, lumineuse. Je rêve souvent de maison où je découvre des pièces pleines de trésors. Je me souviens en particulier d’une nuit, il y a plusieurs années déjà, où j’ai visité en rêve une maison toute biscornue, avec beaucoup d’escaliers abruptes et étroits, et une succession de pièces en enfilade. Sept au total. Au fur et à mesure de mon ascension ces pièces devenaient de plus en plus petites et contenaient de moins en moins d’objets et de mobilier. En ouvrant la septième porte j’ai découvert une chambre où trônait un immense et majestueux lit à baldaquin, sculpté dans un bois épais et foncé. Juste en face une fenêtre grande ouverte et une intense lumière qui illuminait tout l’espace. J’ai su au réveil que cette maison c’était moi. Moi avec toutes mes complexités, mes paradoxes mais aussi mes trésors cachés et le long chemin qu’il me restait à parcourir pour trouver ma lumière. Alors cette nouvelle chambre serait-elle encore une fois le symbole de mon moi intérieur ?

Et puis cette fillette … la plus petite de mes zoupettes est celle qui me ressemble le plus physiquement. Je crois qu’il ne faut pas chercher autre chose pour justifier sa présence dans mon rêve. Et si on part du principe que la chambre symbolise mon moi intérieur, il n’est pas difficile de comprendre qui est cette gamine. Mais pourquoi rit-elle ? Et bien je crois qu’elle représente cette petite fille que je suis toujours dans mon cœur, cette adolescente insouciante à qui j’en veux tellement d’être monté dans cette voiture. Elle est tout ce que je ne m’autorise pas à être parce qu’il ne faut pas faire de bruit, pas faire de vagues … elle est tout mes démons et mes rêves concentrés en un son fabuleux : le rire d’une enfant.

Cela me ramène à la première fois où j’ai entendu ma grande rire. Elle devait avoir 3 ou 4 mois et était installée avec moi dans le lit. Je ne sais plus pour quelle raison elle a éclaté de rire. Je n’avais jamais rien entendu d’aussi merveilleux et j’ai vite appelé son papa pour qu’il en profite. C’est un des moments les plus heureux de ma vie … Presque douze ans plus tard elle a la chance d’avoir un rire peu commun. Il est sonore et communicatif. Elle aime rire. De rien. À s’en forcer parfois. Mais elle préfère de loin faire rire les autres. C’est un clown, une actrice, une diva aussi. Un jour elle m’a demandé : pourquoi tu ne ris jamais ? Sa question m’a laissé pantoise. Bien sûr que je ris ! Non on ne t’entends pas. Tu ne ris pas. J’ai compris ce jour là qu’elle s’évertuait depuis un moment à me faire rire. Je lui ai expliqué que j’étais quelqu’un de peu expressif. Que si je ne ris pas je ne pleure pas non plus. C’est triste elle a répondu. Et c’est vrai que c’est triste. C’était il y a un moment déjà. Et depuis je me cherche un rire. Pas trouvé encore.

Je vais essayer de conclure ce billet qui est sans aucun doute celui où j’aurai eu le plus de mal à tenir mon sujet. Je me rends compte que ce rêve a remué encore plus la boue dans laquelle je me trouve, si c’était possible. Il fait appel à beaucoup d’événements passés mais promet aussi un bel horizon. Cette lumière, toutes ces personnes bienveillantes. La gamine est bien entourée, en sécurité et elle rit. Elle rit, elle rit, elle rit …